Les tortues du Québec : chronique d'une disparition annoncée – 2002
Le Québec abrite huit espèces de tortues d'eau douce et reçoit la visite d'une tortue marine, la tortue luth, dans le golfe et l'estuaire du Saint-Laurent. La connaissance de la répartition de ces espèces au Québec est encore incomplète, sans parler de l'écologie et de la dynamique des populations qui peuvent différer par rapport aux populations du sud. Les populations du Québec sont en effet à l'extrémité nord de leur répartition les rendant plus vulnérables à tout changement brusque de leur habitat. Sur ces neuf espèces de tortues, sept ont déjà un statut d'espèce à risque allant de « préoccupant » à « en danger de disparition ». Ce triste portrait reflète la situation des tortues à travers le monde. Sur les quelque 260 espèces de tortues connues, la moitié sinon les deux tiers sont sérieusement affectés par les activités humaines.
Comme pour de nombreuses espèces animales et végétales, la menace principale affectant les tortues est la disparition de leurs habitats.
La modification des habitats peut également avoir des effets insidieux tout aussi dévastateurs. Ainsi en Amérique du Nord, le nombre de prédateurs, principalement les ratons laveurs friands des œufs de tortues, a augmenté en bénéficiant de la présence humaine et de l'agriculture. Les barrages hydro-électriques et autres retenues artificialisent le régime hydrique des rivières, en plus de créer des barrières au déplacement des animaux. Ils modifient le phénomène naturel d'érosion qui créait des sites de ponte par le décapage des rives lors des crues printanières. Enfin, les variations artificielles importantes des niveaux d'eau au cours de l'été peuvent entraîner la perte des nids en les inondant.
Le dérangement occasionné par la présence humaine lorsque les tortues s'exposent au soleil peut avoir un effet sournois. S'il est répété, il peut entraîner le délai de la maturation des œufs et donc de la ponte, réduisant le succès d'éclosion puisque la période chaude est courte au Québec. Il peut également ralentir la formation de réserves de graisse permettant aux tortues de survivre à une longue hibernation sans alimentation au fond de l'eau. Les tortues sont également victimes des routes, de la machinerie agricole, du piétinement par le bétail, des collisions avec les bateaux et les hélices de moteur, et de la pêche sportive et commerciale. La collecte par des particuliers et pour le commerce illégal est une autre source de déclin des populations. Associé au commerce des tortues, l'abandon sans contrôle d'individus d'espèces exotiques comme la tortue à oreilles rouges peut s'avérer désastreux en introduisant des maladies ou en entraînant une compétition au désavantage des tortues indigènes.
Malgré une forte mortalité naturelle des œufs et des juvéniles, principalement en raison de la prédation, les tortues ont traversé le temps grâce à un haut taux de survie des adultes qui ont peu d'ennemis en nature. De plus, nos tortues peuvent vivre plusieurs décennies, au-delà de 50 ans pour certaines espèces, et ainsi contribuer de nombreuses années à la reproduction. Les tortues misent donc sur le long terme et ne peuvent compenser rapidement, voire pas du tout, une forte perte d'individus qui suivrait un changement brusque de leur environnement. Cette biologie implique surtout que toute mortalité non naturelle des adultes ou leur collecte entraînera un déclin plus ou moins rapide des populations.
Que faire pour aider les tortues ?
Simple : laissons les tortues dans la nature, protégeons et restaurons leurs habitats.
Les tortues sont apparues il y a plus de 200 millions d'années, elles ont vu apparaître et disparaître les dinosaures, et elles ont vu apparaître et se répandre les humains. Y survivront-elles ? Passeront-elles le cap du 22e siècle alors que les humains seront passés de six milliards et demi aujourd'hui à plus de dix milliards ?
La réponse nous appartient.